Dans les murs de la maison de santé Midtown Kingston
Réflexions d’une médecin au terme de son premier mois
La nouvelle maison de santé Midtown Kingston, dirigée par les Centres de santé communautaire de Kingston, partenaire de l’ÉSO FLA, a récemment recruté la Dre Eileen Nicolle comme médecin de famille. Nous sommes ravis de vous présenter les réflexions de la Dre Nicolle sur son premier mois à Midtown. Elle éclaire les expériences quotidiennes des prestataires et des patients inscrits à la maison de santé, en mettant en évidence les forces, les difficultés et les possibilités de notre système de santé axé sur le travail en équipe.
La Dre Nicolle possède une vaste expérience à son rôle à la maison de santé Midtown Kingston. Elle a déjà travaillé auprès de populations prioritaires à Toronto et a terminé une année de formation avancée en santé mondiale et en populations vulnérables. Elle détient également une maîtrise en santé publique avec une spécialisation en santé planétaire et en systèmes de santé. Ses expériences vont du travail clinique au Malawi, en Éthiopie et au Brésil à la prise en charge de diverses collectivités au Canada. Nous espérons que ses réflexions aideront notre population à mieux comprendre le paysage des soins de santé et à se faire une idée du modèle des maisons de santé que nous construisons avec nos partenaires.
Réflexions de la Dre Nicolle
La recherche d’un médecin de famille ou d’un prestataire de soins primaires constitue un défi de plus en plus familier pour les Canadiens. Pourtant, il est prouvé que des soins primaires solides entraînent de moindres coûts et une meilleure santé. De plus, les Canadiens accordent une grande importance à l’accès aux soins de santé en fonction de leurs besoins. Malgré cela, beaucoup de gens ont encore de la difficulté à obtenir des soins rapides et continus.
J’ai eu le grand privilège de découvrir plusieurs systèmes de soins de santé primaires au Canada, notamment au Québec, à Terre-Neuve, dans le sud et le nord de l’Ontario, ainsi qu’à l’étranger, au Malawi, au Brésil et en Éthiopie. Chacun de ces systèmes avait ses forces et ses faiblesses. Au fil des années, j’ai collaboré avec d’autres collègues pour étudier les différents mécanismes des systèmes actuels et les optimiser pour répondre aux préoccupations et aux besoins de tous les Canadiens.
J’ai récemment rejoint la maison de santé Midtown Kingston, dont l’objectif est d’offrir des services médicaux aux résidents de Kingston, une ville en pleine expansion, qui ne bénéficient pas encore d’un médecin traitant. La maison de santé souhaite offrir des services dynamiques axés sur les solutions, afin de combler les lacunes en matière de soins, et de fournir des soins primaires permanents de qualité.
Je voulais vous faire part de certaines réflexions à l’occasion du lancement de notre clinique, dans l’espoir que les Canadiens puissent mieux comprendre le système en place et avoir une vision plus claire de l’objectif à atteindre.
Inscrire les habitants de la région
Le premier obstacle pour obtenir des soins primaires est de trouver un prestataire de soins primaires qui accepte de vous compter parmi ses patients. De nombreux facteurs peuvent entrer en jeu, tels que des valeurs personnelles, pour déterminer qui est en mesure de vous inscrire et comment cela se déroule. Cette expérience peut s’avérer difficile et angoissante.
Les besoins en matière de soins primaires à Kingston sont énormes : plus d’une personne sur cinq n’a pas de médecin traitant, et plusieurs médecins de famille sont sur le point de prendre leur retraite. Notre maison de santé s’est rendu compte qu’elle était incapable de répondre aux besoins de tous ceux qui étaient sans médecin, et elle a décidé d’adopter un mode d’inscription équitable et reproductible.
En collaboration avec l’ÉSO FLA, la maison de santé a pris la décision d’accepter les personnes inscrites à Accès Soins, un système provincial qui vise à mettre les gens en contact avec des prestataires de soins primaires selon leur code postal. De la même manière que le système scolaire privilégie les élèves du quartier, cette démarche a accordé la priorité à la région géographique immédiate de la maison de santé.
Nous avons aussi organisé des consultations pour les résidents de la région qui n’ont pas de médecin de famille, mais qui souffrent de problèmes de santé non urgents et qui ne remplissent pas nos critères d’admission. Cela inclut les examens de dépistage du cancer et la santé sexuelle.
Soins primaires prodigués par une équipe de professionnels de la santé
Notre modèle de soins en équipe à la maison de santé Midtown associe chaque médecin de famille à une infirmière praticienne, travaillant ensemble en tandem avec d’autres membres du personnel multidisciplinaire. Les médecins de famille et les infirmières praticiennes se relaient, ce qui signifie que les personnes inscrites chez nous bénéficient d’une plus grande couverture et qu’un professionnel est toujours disponible pour répondre aux problèmes urgents. Ce modèle collaboratif réduit aussi le fardeau porté par les prestataires, puisqu’il permet aux équipes de discuter ensemble des cas difficiles et d’unir leurs forces cliniques dans la prestation des soins. De plus, l’équipe multidisciplinaire favorise un modèle de soins où les personnes peuvent consulter le bon prestataire pour le bon problème, sans passer par un médecin de famille inutilement.
Relever les défis du système
Les systèmes de santé partout au Canada sont confrontés à des défis et un bon nombre d’entre eux a mis au point des moyens novateurs et créatifs pour y faire face. L’une des façons dont notre maison de santé gère le fardeau administratif des prestataires de soins primaires consiste à utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour la documentation par l’intermédiaire d’un scribe IA. Les scribes IA utilisent la reconnaissance vocale et les technologies d’intelligence artificielle pour transcrire les conversations entre le médecin et le patient en contenu détaillé et significatif, avec le consentement des personnes concernées. Bien qu’il reste encore à innover dans d’autres aspects du travail administratif, cette approche allège une partie du fardeau.
Je ne pouvais pas conclure cette réflexion sans évoquer brièvement le fait que le dernier mois de travail a été très satisfaisant. C’est peut-être la réflexion la plus importante à l’heure où de nombreux prestataires s’éloignent des soins primaires. Lorsque des enjeux tels que la lourdeur administrative et la superposition de couverture sont intégrés au modèle de soins et que des efforts soutenus sont déployés pour prodiguer des soins en équipe et se concentrer sur les solutions, le travail peut être extrêmement gratifiant et sembler durable. Se voir confier l’histoire des gens, et avoir la possibilité de jouer un rôle dans l’amélioration de leur vie en traitant leurs problèmes physiques, leurs troubles de santé mentale ou les déterminants sociaux de la santé est un privilège incroyable.